Exclusif : l'entretien du pape François avec les jésuites d'Amérique latine


« METTRE SA VIE EN JEU »

Le pape François en dialogue avec les jésuites d’Amérique centrale

Pape François

Prépublication - Embargo jeudi 14 février 2019 11.00 (Rome) • LA CIVILTA CATTOLICA N. 0219 DU 28 FÉVRIER 2019 © Éditions Parole et Silence/La Civilta Cattolica, 2019

 

À 15h45, le 26 janvier 2019, le Pape François a rencontré, dans la nonciature de Panama, 30 jésuites de la Province d’Amérique centrale, qui comprend les territoires du Panama, du Costa Rica, du Nicaragua, d’El Salvador, du Honduras et du Guatemala. Le groupe était composé du Provincial, P. Rolando Enrique Alvarado López, du Maître des novices, P. Silvio Avilez, et de 18 jeunes novices. Dès que François est entré dans la salle de réunion, les jésuites ont entonné « En todo amar y servir », chant bien connu dans la Compagnie de Jésus. Le pape les a ensuite salués un par un, avant de s’asseoir et commencer la conversation. Antonio Spadaro sj

Merci pour votre visite. Dans mes voyages, j’aime rencontrer « les nôtres », comme je le disais quand j’étais jeune[1]. Je voudrais tout de suite vous demander une chose : aux provinces de la Compagnie qui se plaignent de ne pas avoir de novices … toi, le Provincial, donne-leur la recette ! Demandez ce que vous voulez, ce qui vous intéresse, ce qui vous intrigue. Et sur cette base, nous organisons un dialogue. Je n’ai rien préparé. Voyez-vous …


Dans l’homélie que vous avez adressée aux évêques, après avoir parlé de Mgr Romero, vous avez mentionné le père jésuite Rutilio Grande. Comment va la cause de béatification de Rutilio ?
J’aime beaucoup Rutilio[2]. Dans l’entrée de ma chambre, il y a un cadre qui contient un morceau de toile avec le sang de Romero et les notes d’une catéchèse de Rutilio. J’avais une grande dévotion envers Rutilio avant même de bien connaître la figure de Romero. Quand j’étais en Argentine, sa vie m’a frappé, sa mort m’a touché. Selon les dernières nouvelles de personnes bien informées, la déclaration du martyre avance bien. Et c’est un honneur … Des hommes de ce genre … D’ailleurs Rutilio était aussi prophète. Il a « converti » Romero.

Il y a ici une vision : la dimension de la prophétie, celle de celui qui est prophète par le témoignage de la vie, et pas simplement comme ceux qui le sont parce qu’ils donnent des leçons et discutent. Il est un prophète du témoignage. Il a aussi dit ce qu’il avait à dire, mais c’est son témoignage, celui du martyre, qui a finalement ému Romero. Ce fut la grâce. Tournez-vous, donc, vers eux avec votre prière.

 

Vous avez été maître des novices, n’est-ce pas ? En quelles années ? J’ai commencé en février ou mars – je ne me souviens plus très bien – 1972. Je l’ai fait jusqu’au jour de la fête de saint Ignace en 1973, quand j’ai assumé le rôle de Provincial. Donc pendant un an et demi.

À vous qui étiez Maître des novices, je pose une question de Maître. Aujourd’hui, dans les premières décennies du XXIesiècle, les situations sont très différentes de celles des turbulentes années soixante-dix en Amérique latine. Mais y a-t-il quelque chose que vous recommandiez alors à vos novices et que, à votre avis, nous devrions continuer à dire aux novices maintenant ?

Parmi les choses de ces temps-là, qui devraient être transposées à aujourd’hui et qui restent d’actualité, je voudrais souligner une attitude : la clarté de la conscience. Il n’y a pas de place pour les sournois : ils ne servent à rien dans la Compagnie. En lisant les lettres de saint François-Xavier, vous voyez à quel point il tenait à ce qu’on sache bien les choses : ce que Jésus fait dans l’âme de chacun, mais aussi comment le diable sème la zizanie et comment le monde séduit.

Cet esprit doit être combiné avec une grande confiance. Par conséquent, le Maître des novices ne doit pas être craintif. Il doit être ouvert, très ouvert ; il ne doit avoir peur de rien, il ne doit rien craindre, mais il doit être fort, capable de dire : « Faites attention à cela : regardez, ce que vous me dites est dangereux ; c’est une grâce, continue comme ça ». Il doit savoir discerner. Un homme qui n’a pas peur, un homme de discernement.

Par conséquent, la clarté de la conscience. Quand je suis avec les novices, je leur dis : regardez, si vous ne vous habituez pas à être transparent maintenant, vous feriez mieux de partir. Parce que les choses vont aller mal. S’éloigner de la transparence – peut-être en raison de la petitesse – c’est quelque chose qui peut arriver dans tous les processus de croissance. Mais faites attention, car si vous n’y remédiez pas tout de suite, alors un moment viendra où la Compagnie ne saura pas quoi faire avec cette personne, car le lien de fraternité, l’être des compagnons dans le Seigneur, sera rompu. À ce stade, la personne avancera au moyen d’astuces, d’excuses, de maladies. De tout ce qui lui permet de faire ce qu’il veut. Les gens qui se comportent de la sorte iront au paradis, bien sûr ! Mais quelle mauvaise vie, mon Dieu, quelle vie superficielle ! Mieux vaut sortir et peut-être se marier, avoir des enfants et être en paix. Mais vivre ainsi, sans la clarté de la conscience, c’est s’arrêter à la coquille de la Compagnie, non y entrer.

J’insisterais beaucoup là-dessus. C’est clair que la chose est délicate. En fait, chez le Maître, cela implique une capacité de respect, d’absence de crainte, d’écouter, d’encourager. Pour être plus exigeant.

Cela peut aussi s’appliquer aux supérieurs. Parfois, vous auriez peut-être souhaité que la personne n’ait pas eu la conscience claire, car elle a un problème que tu ne sais pas résoudre. Mais c’est la clarté de la conscience qui fait de nous des jésuites. De plus, le jésuite doit savoir que le supérieur l’aime et que le dialogue est en Dieu.

Dans un livre d’interview sur la vie consacrée qui vient de paraître, je raconte une anecdote[3]. On parle d’un supérieur. Un jeune homme, un « maestro » (enseignant)[4], était dans un collège espagnol et sa mère avait un cancer en phase terminale. Or, dans la ville où habitait sa mère, il y avait un autre collège de la Compagnie. Et un jour, quand le provincial vint lui rendre visite, le jeune lui dit : « Regarde, ma mère est malade. Il lui reste moins d’un an à vivre. Je sais que vous devez envoyer un maestro à ce collège. Je voudrais vous demander de m’envoyer ; ainsi, je serai dans la ville de ma mère et je resterai donc à ses côtés dans ses derniers instants ». Le provincial l’écouta très attentivement et répondit : « Je dois discerner, je dois y penser ». Et le garçon s’en alla en paix.

Cela arriva vers l’heure du déjeuner. Le provincial devait partir le lendemain matin à l’aube. Le garçon passa l’après-midi comme d’habitude et le soir il s’arrêta dans la chapelle afin de prier pour sa mère et pour que tout aille bien … Il y resta tard et, quand il se rendit dans sa chambre, il trouva une enveloppe du provincial. Il l’ouvrit … C’était une lettre avec la date du lendemain, dans laquelle le provincial lui dit : « Après y avoir réfléchi en présence du Seigneur et après avoir recherché sa volonté divine … [et d’autres déclarations du même genre …], et après avoir célébré l’Eucharistie [du lendemain !], Je pense que tu devrais rester dans ce collège ». Que s’est-il passé ? Le provincial devait partir tôt et avait poursuivi le travail, il avait déjà écrit et laissé toutes les lettres au ministre[5], qui devait les remettre le lendemain. Mais le ministre, voyant qu’il était tard et que tous dormaient déjà, les avait portées sans attendre.

Ce jésuite n’a pas quitté la compagnie, mais il aurait eu toutes les raisons de le faire.

C’est donc vrai que la clarté de conscience se heurte parfois à un contre-témoignage de ce genre, à l’hypocrisie ! De plus, on joue avec le discernement, avec la Messe, avec tout ! Ce supérieur n’avait aucun scrupule. Il était du genre des supérieurs qui sont toujours en équilibre et jouent sur cela. Des supérieurs mondains, avec l’esprit du monde. Et par conséquent, il arrive que même les supérieurs n’aident pas à avoir la clarté de la conscience, alors qu’ils en sont responsables.

Le supérieur doit être très humble, très fraternel, et savoir que le jour viendra où il devra ouvrir sa conscience à un autre supérieur. J’y insiste : la transparence. Mettez ça dans votre tête, misez là-dessus. Sinon, vous serez un échec. Vous serez des jésuites inconsistants. Il vaut donc mieux partir, mieux vaut être de bons pères de famille.

Je n’en fais pas une tragédie, mais c’est l’une des choses essentielles de la Compagnie, ce qui garantit l’amour pour le Christ, la suite du Christ. J’ai été formé comme ça …

 

Comment voyez-vous aujourd’hui la vocation de frère ? Il y a trois vocations dans la Compagnie : profès, coadjuteur spirituel et frère[6]. En 1974, lors de la 32èmeCongrégation, qui débuta le 3 décembre, il y avait beaucoup d’effervescence autour de l’égalité. On considérait la différence entre profès et coadjuteur spirituel une injustice sociale. Il y avait eu une infiltration idéologique. Bref, certains poussaient pour que tout le monde fasse profession, ainsi, selon eux, ils seraient tous égaux. Le père Arrupe a dû réagir. Si on était passé par là, quelque chose de la Compagnie aurait été perdu. Et à l’époque, une autre vision est apparue, qui elle aussi était idéologique : que le service propre des frères de la Compagnie était une sorte d’injustice sociale. Une question de « niveau social » se posait. Comme si le frère Antonio Garcia, gardien du musée des martyrs à Nagasaki, était un « serviteur » au sens classique et sociologique du terme. Il était, au contraire, plus sage que nous tous réunis ici ! Et c’est lui qui a aidé beaucoup par ses conseils. Le frère est celui qui a le charisme le plus pur de la Compagnie : Servir. Servir. Servir.

Au début, vous avez chanté En todo amar y servir. Le frère est comme ça. Concret. Parmi les frères que j’ai rencontrés, certains étaient « colorés », ils avaient leurs défauts … Certains ont lutté, se sont battus pour leur vie religieuse, comme des héros, et ils n’ont pas été suffisamment aidés dans leurs combats et leurs difficultés. Mais je me souviens de l’un d’entre eux, qui avait la conscience claire mais était un peu un « Don Juan ». Ce pauvre frère tombait amoureux tout le temps. Il venait humblement et disait : « Ah, père, je cherche sans cesse une fiancée ». Qui sait, peut-être qu’il n’aurait même pas dû entrer dans la Compagnie ! Mais c’étaient des hommes transparents. Faites attention donc pour savoir comment évaluer, restez attentifs ! Ici, il s’agit d’une vocation à servir d’une manière différente : dans la même fraternité, avec la même dignité religieuse, pas simplement sociologique, comme ils ont voulu jadis l’affirmer.

Quelques-uns faisaient des comparaisons et disaient : « Le frère est la mère ». Non, non, non. Ce n’est pas bon. C’est la Compagnie qui est la mère et une suffit. Mais le frère est celui qui a la tête dans le concret, qui regarde le concret, qui sait se mouvoir dans le concret, quoi qu’il fasse. Comme infirmier, cuisinier, portier, professeur. Il a une autre dimension. Évaluer le frère selon un profil sociologique, ça ne ressemble pas à des jésuites. Cela signifie enlever son service de son contexte particulier.

Parmi les frères que nous avons vus en Argentine, certains avaient leurs défauts, bien sûr, mais c’étaient des hommes de ce calibre. Je me souviens de l’un d’entre eux, un saint homme. Il était Croate, avait fui son pays et se trouvait finalement en Belgique, à Charleroi, où il travailla comme mineur. Il avait toujours gardé la dévotion. Il voulait devenir religieux. Il ne savait pas où. Il émigra en Argentine et y entra dans la Compagnie. C’était un homme très simple. Il était responsable de tous les travaux de quincaillerie. Et, pour le dire en termes matériels, il avait la clé de tout ce qui arrivait, prenait les choses comme elles étaient, mais n’ouvrirait pas la bouche à moins que le supérieur ne le lui demande.

Je connais tant d’autres comme lui : c’étaient des chênes. Beaucoup étaient des Espagnols venus en Argentine. La province de Loyola était une « usine » de frères. Les Basques qui sont venus chez nous, ceux que je connaissais, étaient tous des hommes d’un seul tenant.

Pourquoi est-ce que je donne tous ces exemples ? Pour vous dire que la vocation de frère ne devrait pas être considérée d’un point de vue sociologique, mais du point de vue de ce que les frères sont réellement dans leur vocation spécifique, telle que la désirait saint Ignace dans la Compagnie. Je ne veux pas exagérer, mais quand j’étais provincial, peut-être les avis les plus simples et les plus justes pour les ordinations m’ont été données par les frères. Ils ont dit : « Oui, untel … mais faites attention à ce problème … ». Ou : « Cette personne a certains défauts, oui, mais il a aussi cette vertu … ». Bref, rien ne leur échappait. Ils avaient un regard spécial. Dans la Compagnie, le frère a une grande influence sur le corps collectif et la communauté. Il faut le promouvoir, comme tout jésuite, pour qu’il donne le meilleur de lui-même. Mais la promotion ne doit pas être fondée uniquement sur une motivation sociologique ou idéologique, comme si le frère avait besoin d’une promotion pour se sentir comme une personne ! S’il ne se sent pas comme une personne, il doit repenser sa vocation. Et le frère n’a pas besoin de cosmétiques. Cette vocation ne doit pas être perdue ! Je ne sais pas si je t’ai répondu.

Nous sommes dans le contexte des JMJ et il y a diverses rencontres de jeunes. Au cours de la journée d’accueil, à la « Cinta Costera », vous avez parlé de la culture de la rencontre. Vous êtes convaincu que la rencontre est un thème fort pour notre jeunesse, envahie par une si grande culture de l’informatique. Il semble que la rencontre soit parfois tronquée et que la proximité passe par le réseau informatique. Regardez, le monde virtuel aide à créer des contacts, mais pas des « rencontres ». Parfois, il « fabrique » des rencontres, te séduisant avec des contacts. L’aspect philosophique sous-jacent a été bien vu par Zygmunt Bauman. Il écrivit son dernier livre avec son assistant italien et mourut en travaillant sur le chapitre final. Sa veuve le donna à l’assistant : « Vous allez le finir et le publier ; mettez aussi le nom de mon mari ». En effet, c’était l’un de ses disciples et il le connaissait bien. Alors, il l’a publié en italien[7]. Il porte le titre Nati liquidi, c’est-à-dire inconsistant. Mais dans la traduction allemande, le titre est Die Entwurzelten, « Sans racines ». Dans la mentalité allemande, ceux qui sont nés liquides n’ont pas de racines. Parfait. C’est vrai.

Que fait le monde purement virtuel, s’il est isolé en soi ? Il te donne de la satisfaction, il te donne une consolation artificielle, mais il ne te maintient pas rattaché à tes racines. Il t’envoie en orbite. Il t’enlève la dimension concrète. Cela risque d’être un monde de contacts – je l’ai dit aux évêques – mais ce n’est pas un monde de rencontres. Et c’est dangereux, très dangereux. Et à cet égard, les jeunes doivent recevoir une direction très sérieuse. Une direction par laquelle ils ne devraient pas se sentir dépossédés mais enrichis. Ceux d’entre vous qui travaillent avec des jeunes, par exemple dans des collèges, ont la tâche de les aider à se rencontrer.

Et en quoi consiste la crise actuelle de la rencontre ? C’est une crise de racines. La génération du milieu – du moins en Europe et dans mon pays d’origine –, c’est-à-dire les parents des jeunes, n’a pas la force pour transmettre les racines. Car, ce sont des personnes lacérées, souvent en concurrence avec leurs enfants. Les grands-parents donnent les racines. Je suis encore dans le temps de le faire. Ce sont les vieux qui donnent les racines. C’est pourquoi, quand je dis aux jeunes de rencontrer des personnes âgées, je n’exprime pas une idée romantique. Faites-les parler. Au début, les jeunes disent qu’ils en ont marre, qu’ils s’ennuient, qu’ils cessent d’en parler.

J’ai fait l’expérience de jeunes et de groupes de jeunes à qui on a offert la chance d’aller jouer de la guitare pour les personnes vivant dans d’une maison de retraite. Ils ont répondu : « Non, ils sont vieux ». Mais ensuite, quand ils sont allés leur rendre visite, ils ne voulaient plus partir. Une chanson, puis une autre. « Pourquoi ne me chantes-tu pas cela ? » Et « À mon époque … », etc. : les anciens se réveillent … Et je me réfère au chapitre 3 du livre de Joël : les anciens rêveront et les jeunes prophétiseront. Les personnes âgées commencent à rêver, à raconter, et les jeunes à prophétiser : non pas ce que les personnes âgées leur ont dit, mais ce que les rêves des anciens réveillent en eux.

C’est la rencontre. C’est la réalité. Mais il est important d’aller aux racines. Ce que la culture virtuelle nous offre est quelque chose de liquide, de gazeux, sans racines, sans tronc, sans rien. La même chose se passe dans le domaine économique et financier. Ces jours-ci, je lisais une nouvelle provenant du forum de Davos, selon laquelle la dette générale des pays était bien supérieure au produit brut de l’ensemble. C’est comme la filouterie de la chaîne de lettres : les chiffres grossissent, des millions et des milliards, mais en bas, il n’y a que de la fumée, tout est liquide, gazeux et, tôt ou tard, s’effondrera.

La vertu que tous doivent avoir aujourd’hui, et spécialement un jésuite, est la concrétude. Comme ce confesseur que nous avons eu au Colegio Máximo, qui confessait le soir. Il était très âgé. Pendant que nous faisions l’examen de conscience, quelques-uns allaient se confesser et, devant sa porte, il y avait toujours une file d’attente. Il confessait rapidement, disait quelques paroles. Mais un de nos camarades, un type angélique, très spirituel, nous raconta un jour qu’il était déjà allé se confesser à lui et ne retournerait jamais. « Il m’a maltraité, il m’a attaqué », a-t-il déclaré. Et bien sûr, nous étions intrigués… qu’est-ce que cet ange a pu dire pour se faire gronder comme ça ? Et il nous a dit : « J’ai commencé à lui dire mes difficultés. Et lui a dit : crache le crapaud, crache le crapaud ! » Bref, il avait l’habitude d’entendre des énormités, alors quand celui-ci est venu lui dire des choses angéliques, si liquides, il n’en croyait rien et l’avait ensuite exhorté à se révéler. Concrétude ! Assez avec la tête dans les nuages.

Mais comment faire en sorte que les jeunes soient concrets ? P. La Manna, qui est maintenant à l’Istituto Massimo à Rome, cet homme a pu faire de la concrétude dans son institut, une des écoles les plus chics de Rome ; il a réussi à créer avec les jeunes un esprit social impressionnant. Concrétude. Il faut se débarrasser des petites choses éthérées. Vie spirituelle concrète. Vie engagée concrète. La vie d’amitié concrète. Concrétude. C’est avec cela que nous sauverons l’homme. Mais je reviens au dialogue avec les anciens : faites-le avant qu’il ne soit trop tard ! Parce que c’est une ancre qui peut sauver notre jeunesse.

En voyant le témoignage qui a caractérisé la Compagnie de Jésus en Amérique centrale, à votre avis, que pouvons-nous apporter à l’Église universelle ? En Amérique, vous avez été des pionniers dans les années de luttes sociales chrétiennes. Vous avez été des pionniers. Si le P. Arrupe a écrit la lettre sur les chrétiens et « l’analyse marxiste »pour parler de la réalité dans la théologie de la libération, c’est parce qu’il y avait un jésuite qui était un peu confus. Pas avec de mauvaises intentions, mais il était confus, et à ce moment-là, le père devait arranger les choses. Le recentrer. Ensuite, ceux qui ont condamné la théologie de la libération, ont condamné tous les jésuites d’Amérique centrale. J’ai entendu des condamnations terribles. Et celui qui l’acceptait, tout acceptait sans faire de distinctions. En tout cas, l’histoire a aidé à discerner et à purifier. Ce sont des processus de purification. Mais si je ne me trompe pas, vous avez été des pionniers – avec vos péchés, avec vos erreurs – mais, malgré tout, des pionniers.

À cette époque, un jour, j’ai pris l’avion pour me rendre à une réunion. J’ai quitté Buenos Aires, mais comme le billet était moins cher, j’ai fait escale à Madrid avant d’arriver à Rome. Un évêque d’Amérique centrale monta dans l’avion à Madrid. Je l’ai salué, il m’a salué ; nous nous sommes assis l’un à côté de l’autre et avons commencé à parler. Je l’ai interrogé sur la cause de Romero et il a répondu : « Nous n’en parlons même pas, vraiment pas. Ce serait comme canoniser le marxisme ». Ce n’était que le prélude. Il a continué à ce rythme. Même dans l’épiscopat, il y avait différentes visions, il y avait aussi ceux qui condamnaient la ligne de la Compagnie. Et, en effet, cet évêque est passé d’une critique contre Romero à une critique contre les jésuites d’Amérique centrale. Mais il n’était certainement pas le seul à penser ainsi. En ce temps-là, d’autres membres de la hiérarchie ecclésiastique étaient très proches des régimes de l’époque, ils étaient très « insérés ».

Pendant une réunion à Rome, j’ai rencontré un provincial, que l’on accusait d’être à gauche. Je lui ai posé des questions sur la théologie de la libération et il m’a donné une vision très objective, voire critique de certains jésuites, mais en me montrant quelle était la direction positive ; pour ceux qui voyaient tout cela de l’extérieur, cependant, tout semblait très, très difficile à accepter. L’idée était que canoniser Romero était impossible car cet homme n’était même pas chrétien, il était marxiste ! Et, par conséquent, ils l’attaquaient. Dans cette tempête, il y avait aussi de bonnes graines. Certains ont exagéré, oui, mais ensuite ils ont fait marche arrière. Il y a toujours eu des exagérations.

Certains en ont fait des affirmations plus grosses que d’autres, c’est vrai, mais la substance était différente. Vous avez été en pleine révolte. Et ce serait bien que vous relisiez l’histoire de ces hommes. Il y avait des gens comme Rutilio, qui ne s’est jamais séparé et a fait tout ce qu’il devait faire. D’un point de vue idéologique, Rutilio ne s’est jamais perdu, tandis que d’autres, au contraire, se sont un peu perdus dans ces régions, parce qu’il était amoureux de la philosophie d’un certain auteur et, sur cette base, il a donc relu et inspiré les faits. Mais ce sont des choses humaines, compréhensibles dans des circonstances difficiles.

Les dictatures que vous avez connues en Amérique centrale étaient de la terreur. L’important est de ne pas être submergé par l’idéologie d’un côté ou de l’autre, ni même par le pire de tous : l’idéologie aseptique. « Ne vous en mêlez pas » : c’est la pire idéologie. C’était l’attitude de cet évêque rencontré dans l’avion, qui était aseptique. À ce sujet, Arrupe était très clair dans son discernement. Il défendait tout le monde, mais ensuite il indiquait à chacun en privé ce qu’il devait corriger, s’il y avait quelque chose à corriger. C’est typique du supérieur : défendre tout le monde … Et, donc, le compte-rendu de conscience est important, parce que c’est là qu’on serre les boulons qu’il faut serrer. C’est mon avis.

Et aujourd’hui, nous les vieux rions en pensant à quel point nous étions inquiets au sujet de la théologie de la libération. Ce qui manquait alors était la communication en dehors sur la réalité des choses. Il y avait plusieurs façons de l’interpréter. Bien sûr, certains sont tombés dans l’analyse marxiste. Mais je vais vous dire quelque chose d’amusant : le grand persécuté, Gustave Gutiérrez, le Péruvien, a concélébré la Messe avec moi et avec le Préfet de la Doctrine de la Foi, le cardinal Müller. Et c’est arrivé parce que Müller l’a conduit chez moi comme son ami. Si, à ce moment-là, quelqu’un avait dit qu’un jour le préfet de la Doctrine de la Foi allait amener Gutiérrez pour concélébrer avec le pape, ils auraient pensé qu’il était ivre.

L’histoire est maîtresse de la vie. On apprend peu à peu. Une des choses qui m’a fait beaucoup de bien à un moment de ma vie fut la lecture de l’Histoire des papesde Ludwig von Pastor … un peu long, 37 tomes ! J’ai découvert, avant tout, l’époque de l’expulsion de la Compagnie, mais pas seulement celle-là. L’histoire nous enseigne. Sans aller très loin, je vous suggère de lire les quatre volumes de Giacomo Martina, grand professeur de la Grégorienne, sur l’histoire de l’Église de Luther à nos jours. C’est une lecture agréable, car il écrivait vraiment très bien. Il vous guidera à travers les problèmes du modernisme … Relisez l’histoire pour comprendre les situations. Sans condamner les gens et sans les sanctifier d’avance. Je ne sais pas si je t’ai répondu.

 

Bientôt, certains d’entre nous feront la profession des vœux. Que pouvez-vous nous dire ? Que les vœux sont perpétuels ! Ils ne sont pas perpétuels pour le supérieur qui les reçoit, mais pour vous qui les prononcez, oui[8]. Et ce n’est pas une blague. Si quelqu’un ne se sent pas bien, ne le faites pas, prenez plus de temps. S’y essayer ? Non, pas du tout. Pour vous, ils sont perpétuels, pour toute la vie.

Jouer sa vie : c’est l’une des choses les plus risquées qui existent aujourd’hui. En effet, nous sommes à une époque où le provisoire prime sur le définitif. Toujours. Par exemple, on dit : « Je me marie pour toute ma vie … tant que dure l’amour ». Bref, c’est comme si je disais : « Je me marie pour trois ou quatre ans, puis, au premier conflit, au premier refroidissement de l’amour, je cherche une autre compagne ». Un évêque qui vint me voir me raconta qu’un jeune avocat, juste un diplômé, vingt-trois ans, zélé, membre d’un groupe, lui avait dit : « Je veux être prêtre pendant dix ans ! » Voici le temporaire ! Il y a un livre de José Comblin, qui date d’il y a quarante ou cinquante ans, introuvable, intitulé O provisório e o definitivo, qui parle de la philosophie de la culture qui émerge aujourd’hui : celle du provisoire. Tout est là tant que ça dure. Tant que la consolation dure, aussi longtemps qu’ils me traitent bien …

Et parfois, la vie ne te traite pas bien, elle te traite comme un criminel. Et si vous aimez Celui qui a été traité comme un criminel, vous ne pouvez pas faire autrement qu’endurer. C’est définitif, avec tout ce que comporte la « troisième semaine » des Exercices Spirituels[9]. Avec tout ce que signifie le colloque des « Deux Étendards »[10], qui n’est pas une trouvaille chevaleresque d’Ignace mais son expérience. Cela implique de demander à être humilié, à subir des humiliations, pour l’amour du Christ, sans avoir donné de motif. Les vœux sont perpétuels, avec un style de vie qui doit être celui des Exercices, selon lequel ils peuvent t’envoyer faire n’importe quel travail, n’importe quoi : aussi bien enseigner la religion à des enfants qu’enseigner à l’université ou être – que sais-je – l’acrobate dans un cirque … La Compagnie peut vous envoyer n’importe où. C’est ce que j’entends par définitif. Le temps, définitif ; le style, celui des Exercices ; la disponibilité, pour n'importe quoi. Aimer et servir, comme vous l’avez chanté au début. Vous n’avez pas dit pour sympathiser et donner un coup de main. Aimer et servir est le noyau. N’ayez pas peur ! Courage.

 

J’ai une question sur l’inculturation en ce qui concerne les peuples de notre Amérique. Je parle à la première personne, parce que j’appartiens à la culture maya. Que pensez-vous de ces prêtres et évêques diocésains qui cherchent à homologuer les jeunes dès les premiers moments de leur formation ? Dans la pratique, malheureusement, la formation est comme obscurcie et l’identité est couverte. Que pensez-vous de ces prêtres qui ne se sentent plus en syntonie avec le peuple dont ils sont issus ? Ma grand-mère était très intéressée par la catéchèse. Elle nous expliquait que, dans la vie, nous devions être humbles et ne pas oublier que nous étions nés dans une famille humble. Elle, originaire du nord de l’Italie, nous a parlé d’une famille qui avait envoyé un enfant dans une université italienne. Elle a dit que c’était un fait qui s’est réellement passé. C’était une famille de paysans. Le fils n’est pas revenu avant d’avoir obtenu son diplôme. Il n’avait pas eu l’occasion de revenir. Et une fois à la maison, il a commencé à demander à son père : « Quel est le nom de cet outil ? Et quel est le nom de cet autre ? » « Ceci est la pelle, mon fils. » « Ah, la pelle. Et cet autre outil, comment s’appelle-t-il ? » « Le marteau ». « Ah, le marteau ». Il avait grandi là-bas, mais il ne se souvenait de rien. « Et cet autre outil, comment s’appelle-t-il ? » Et son père le lui dit. Il y avait aussi un râteau. Et le fils, distrait, marcha dessus. Le râteau s’est tourné et l’a frappé à la tête. Et il s’est écrié : « Fichu râteau ! » [Ici le pape imite le geste provoquant l’hilarité générale].

Ceux qui oublient leur culture ont vraiment besoin de recevoir un râteau au visage. C’est terrible quand la consécration à Dieu nous rend chochos (finolis), elle nous fait monter d’une classe sociale vers une classe qui semble plus éduquée que la nôtre. Chacun doit préserver la culture dont il est issu, car le caractère sacré qu’il souhaite atteindre doit être fondé sur cette culture et non sur une autre. Toi qui viens de ces cultures, ne laisse pas ton âme s’endurcir, s’il te plaît ! Sois maya jusqu’au bout. Jésuite et maya.

L’autre jour, le P. Lombardi m’a dit qu’il travaillait sur la cause de béatification de Matteo Ricci et il m’a parlé de l’importance de son amitié avec Xu Guangqi[11], le laïc chinois qui l’accompagnait et est resté laïc et chinois, se sanctifiant en tant que Chinois et non en tant qu’italien comme Ricci. C’est cela conserver sa propre culture.

Aujourd’hui, j’ai déjeuné avec les jeunes. Ils venaient de tous les côtés : du Burkina Faso, d’Inde, des États-Unis, d’Australie, d’Espagne. C’était magnifique. Il y avait aussi une fille d’Amérique centrale, une indigène, qui voulait se maquiller selon ses traditions. Une personne « éclairée », la voyant ainsi, aurait peut-être dit avec ironie : voici la « petite Indienne », toute peinte ! Voici, quand la « petite Indienne » a parlé, elle a donné une belle raclée à ceux qui ne respectent pas la Mère Terre. Cette fille a parlé, en partant de sa culture, avec une capacité intellectuelle telle qu’à la fin, quand ceux de la salle de presse m’ont demandé qui ils pouvaient amener pour les interviews, j’ai répondu : amenez qui vous voulez, mais amenez surtout celle-là, car elle dira des choses que personne ne dirait. Cette fille, militante, catholique, je pense qu’elle est enseignante de profession, qui n’a pas perdu sa culture qui l’a fait grandir ! Alors, voici ce que je veux dire : nous devons nous inculturer jusqu’au bout.

En 1985, dans notre faculté de théologie de San Miguel, nous avons organisé un congrès sur « L’évangélisation de la culture et l’inculturation de la foi »[12]. C’étaient les années de Puebla. Quelques interventions semblaient scandaleuses à certains. Je me souviens d’une fois où je me suis rendu à Rome pour des affaires et j’ai visité la Congrégation pour le culte divin. Un des experts qui travaillait là-bas, parlant d’inculturation, m’a dit : « Nous faisons des progrès. Nous avons maintenant permis aux Japonais de faire une révérence devant l’autel au lieu de le baiser. Parce que pour eux, le baiser ne veut rien dire ». Est-ce la grande inculturation d’un bureau à la Curie ? Alors, cela ne sert à rien ! C’est vous qui devez dire ce qu’est l’inculturation, sur la base de votre expérience. Mais toi, s’il te plaît, ne changez pas de culture. Souviens-toi du râteau.

 

Comment trouvez-vous cette région d’Amérique centrale et ce que nous pourrions faire ? Vous êtes très « bariolés » … dans le meilleur sens, je veux dire. C’est un pays de couleurs. Je pense à la culture brésilienne, afro-brésilienne, comme une terre de sons, de danses et de festivals. Au lieu de cela, vous êtes un pays de couleurs … Je le ressens comme ça. C’est un pays de couleurs. C’est la première fois que je viens au Panama, et j’en ai parlé à table avec le nonce, qui m’a aidé à trouver le mot juste, car il y pensait comme moi : il y a de la « noblesse ». C’est une terre de noblesse. Panama l’est. Cela m’a frappé. Vous êtes un condensé de couleurs, au sens le plus riche et le plus symbolique du terme. C’est ma perception. Et ici, pour un maître des novices discernant, le discernement peut certainement être plus difficile à faire, surtout au moment de l’inculturation, de l’expression colorée de son peuple. Mais c’est beau.

 

Après une heure de rencontre, les responsables du voyage avertissent le pape qu’il est temps de partir. Le pape dit de poser encore deux courtes questions. Voici la première : comme jésuites, quelle doit être notre attitude envers la politique ? Aujourd’hui, au déjeuner, une fille du Nicaragua m’a posé la même question. La doctrine sociale de l’Église est limpide et elle est devenue de plus en plus explicite au cours des différents pontificats. Sur ce point, Evangelii gaudiumest très clair. De plus, l’Évangile est aussi une expression politique, car il s’applique à la polis, à la société, à chaque personne et à la société, à chaque personne qui appartient à la société. C’est vrai que le mot « politique » est parfois méprisé et compris comme la logique du parti, du sectarisme politique, avec tout ce que cela implique en Amérique latine en matière de corruption politique, d’assassinats politiques, et ainsi de suite. L’engagement politique, pour un religieux, ne signifie pas militer dans un parti politique. Évidemment, il faut s’exprimer en votant, mais le devoir est de rester au-dessus des partis. Toutefois pas comme celui qui se lave les mains, mais bien comme celui qui accompagne les parties vers la maturité, en apportant le point de vue de la doctrine chrétienne. En Amérique latine, il n’y a pas toujours eu de maturité politique.

Je profite de la question pour évoquer certains problèmes qui revêtent pour moi une pertinence politique. Le premier est celui de la nouvelle colonisation. La colonisation n’est pas juste ce qui s’est passé quand les Espagnols sont arrivés et que les Portugais ont pris possession de la terre. Cette colonisation est physique. Aujourd’hui, les colonisations idéologiques et culturelles sont à la mode, ce sont celles qui dominent le monde. En politique, vous devez bien analyser les colonisations auxquelles nos peuples sont soumis aujourd’hui.

Le second est celui de notre cruauté. Je l’ai dit à un homme politique européen, qui a répondu : « Père, l’humanité a toujours été ainsi, seulement maintenant avec les médias nous nous en rendons davantage compte ». Il a peut-être raison. Mais la cruauté est terrible. On invente jusqu’aux tortures les plus raffinées, l’humain est dégradé. Nous sommes en train de nous habituer à la cruauté.

Le troisième concerne la justice, et c’est la peine sans espoir. Hier, j’étais heureux en quittant l’Institut des Mineurs, car j’ai vu tout le travail qu’ils font pour reconstruire la vie des gens, garçons, filles, très dégradés par les crimes, pour les réintégrer. Mais la culture de la justice ouverte à l’espoir n’est pas encore bien établie.

 

À la fin de la rencontre, un jésuite du Nicaragua s’approche et donne au Saint-Père une lettre d’un garçon actuellement en prison, en disant : « Il a été enfant de chœur depuis l’âge de neuf ans, et son grand désir était de venir aujourd’hui à la Journée mondiale de la jeunesse ». Ensuite, d’autres jésuites se sont approchés avec des cadeaux. Le premier était ce qu’on appelle au Panama un « cocobolo », un objet fabriqué en bois dur tropical d’Amérique centrale, qui représente le monogramme IHS de la Compagnie de Jésus, avec la requête de le mettre à l’endroit où il prie le matin. En riant, le pape dit : « Et si je prie l’après-midi ? » Tout le monde rit. Le provincial l’avertit que sa couleur deviendra plus sombre avec le temps. Ensuite, il a reçu un vêtement fabriqué avec des tissus de divers pays d’Amérique centrale. On a aussi apporté au Pape le drapeau du « Magis », une initiative ignatienne pour des jeunes de 18 à 30 ans, des volontaires du Colegio Javier de Panama City aux JMJ. Le pape est invité à mettre sa signature sur le drapeau. Ensuite, d’autres cadeaux personnels lui ont été offerts. La rencontre, qui a duré environ une heure et dix minutes, se termine par une photo et la prière d’un Ave Maria.


[1]« Les nôtres » est une expression traditionnelle par laquelle les jésuites s'indiquer eux-mêmes. Les « provinces » sont les territoires dans lesquels la Compagnie est répartie dans le monde. Les « novices » sont de jeunes religieux en formation initiale.

[2]Cf. J. M. Tojeira, « Il martirio di Rutilio Grande », Civ. Catt.2015 II 393-406.

[3]Cf. Pape François,La forza della vocazione. La vita consacrata oggi. Conversazione con Fernando Prado, Bologne, EDB, 2019 ; édition française : La force de la vocation: La vie consacrée aujourd’hui, Eds des Béatitudes, 2019.

[4]La « régence » est une étape de la formation des jésuites entre l'étude de la philosophie et de la théologie. Ce temps est normalement consacré au travail dans une œuvre apostolique de la Compagnie, comme un collège.

[5]Dans les maisons de la Compagnie, le « ministre » s’occupe de la vie concrète de la communauté religieuse, en tant que responsable de la maison.

[6]Le corps de la Compagnie envisage trois vocations. Celle des profès est composée de ceux qui ont prononcé les trois vœux simples de pauvreté, chasteté et obéissance et ont fait un vœu spécial d'obéissance au pape. La seconde est composée de prêtres « coadjuteurs spirituels », qui prononcent les vœux simples. La troisième est celle des frères, qui ne sont pas prêtres et prononcent les trois vœux simples. Le choix entre le sacerdoce et la vie des religieux non prêtres est généralement fait par le sujet lui-même au moment de son entrée dans la Compagnie. Dans certains cas, on entre « indifférent », et le choix est fait après discernement au noviciat.

[7]Z. Bauman - Th. Leoncini,Nati liquidi, Milan, Sperling & Kupfer, 2017.

[8]Chez les jésuites, les « premiers vœux », prononcés à la fin du noviciat, sont considérés comme perpétuels par ceux qui les prononcent. Ils ne sont donc pas « renouvelés » tous les trois ans, comme cela se fait dans d'autres instituts religieux. Au lieu de cela, ils sont « rappelés » annuellement jusqu'à la profession des « derniers vœux » comme profès, coadjuteur spirituel ou frère, à la fin de la formation, et dans le cas des prêtres, précisément, après l'ordination. Cependant, les premiers vœux peuvent être simplement déliés par le supérieur provincial.

[9]Il s’agit de la troisième étape des Exercices Spirituels au cours de laquelle on médite sur le mystère de la Passion du Seigneur.

[10]C'est une méditation de la « deuxième semaine » des Exercices qui précède l'élection de l'état de vie. Ignace demande que l’on médite sur comment « Jésus-Christ qui appelle tous les hommes et veut les réunir sous son étendard ; de l'autre, c'est Lucifer qui les appelle sous le sien » et de « voir le lieu », c'est-à-dire imaginer « une vaste plaine près de Jérusalem, au milieu de laquelle se trouve Notre Seigneur Jésus-Christ, chef souverain de tous les hommes vertueux, et une autre plaine près de Babylone, où est Lucifer, le chef des ennemis ». Le but est de « la connaissance des ruses du chef des méchants et le secours dont j'ai besoin pour m'en défendre ; secondement, la connaissance de la véritable vie, qui nous est montrée par le chef souverain et légitime, et la grâce nécessaire pour l'imiter ».

[11]Xu Guangqi (1562-1633), de Shanghai, fit la connaissance de Matteo Ricci et collabora avec lui. Il reçut le baptême à l'âge de 41 ans et étudia la doctrine chrétienne en profondeur. Cf. A. Jin Luxian, « Xu Guangqi. Il compagno cinese di Matteo Ricci », Civ. Catt.I 2016 282-297.

[12]Le P. Bergoglio y prononça les discours inaugural et de clôture (cf. J. M. Bergoglio, « Fede in Cristo e umanesimo », Civ. Catt.2015 IV 311-316). Dans sa réflexion, il a insisté sur le fait que les différentes cultures, fruits de la sagesse des peuples, sont un reflet de la Sagesse de Dieu. La sagesse humaine est une contemplation qui a sa source dans le cœur et la mémoire des peuples. C’est un lieu privilégié de médiation entre l’Évangile et les hommes, fruit d’un travail collectif tout au long de l’histoire. D’où, dans la tâche de l’évangélisation des cultures et l’inculturation l’Évangile, la nécessité, d’une part, d’une « sage contemplation des cultures » et, d’autre part, « d’une sainteté qui ne craint pas les conflits et soit capable de constance et patience “apostolique”, qui surmonte avecparresiatoute peur et tout “extrémisme de centre” ».